Homestuck, légende et foutoir, jouissif en tout cas


La fois dernière, je vous ai parlé du webcomic Dumbing of Age parce que, en plus d'être très connu, je considérais qu'il formait une bonne histoire facile à appréhender entre cadre contemporain et ses histoires de jeunes adultes qui essaient de comprendre quels sont leurs désirs et quelle est leur place.

Il existe d'autres webcomics très connus et celui dont je vais vous parler aujourd'hui est le plus gros monstre auquel je peux penser. Quoi que vous ayez entendu de négatif sur la bête jusqu'ici, j'espère ne pas perdre la confiance que vous avez pu m'accorder la fois dernière en vous le présentant.

Homestuck est un webcomic publié sur le site MSPaint Adventures. Il raconte, des mots de son auteur Andrew Hussie, "l'histoire de jeunes gens coincés dans un mythe de création" avec un ton très moqueur envers lui-même comme envers les références qu'il déploie.


Nous découvrons au fur et à mesure ce qui se trame dans l'univers étrange du récit où toute nouvelle information est traitée comme inutile ("euh, duh, je le savais déjà") ou pas assez importante ("ouais on s'en fout sinon t'as écouté ma mixtape ?") parce que nos héros sont des adolescents avec le rapport au monde que ça entraîne.

Je refuse de vous en expliquer davantage parce que les actes 1 à 4 d'Homestuck existent pour vous mettre petit à petit au contact de ce qu'Andrew Hussie qualifie de "mythe de création". Le genre décide tout seul de transcender les notions de fantasy et de science-fiction en déclarant que rien n'est étrange et que votre connaissance du vrai fonctionnement du monde était simplement parcellaire. Le décor est inventif, la découverte est jouissive, hors de question pour moi de vous en spolier.

Homestuck est un bordel visuel : d'une part, farci de détails qui lui créent une ambiance dingue, d'autre part changeant de style graphique de façon impromptue en fonction de l'émotion souhaitée. Sans oublier les changements de médium, carrément, puisque vous avez du dessin, de l'animation gif, de l'animation flash pêchue, et même des mini-jeux interactifs. Le tout sans jamais cesser de se moquer de lui-même et des artifices qu'il déploie.

C'est aussi un bordel narratif où on ne vous donne pas les réponses, vous devez les gagner. Et s'il faut 2000 pages pour que vous les gagniez, eh bah vous les lirez. Homestuck mêle tout un tas de concepts bizarres internes à l'histoire pour justifier sa non-linéarité, se trouve épaissi (certains diraient "ralenti") de dialogues dirigés par les personnages et pas par les besoins de l'intrigue, et se repose plus d'une fois sur des références à des films qui ont le pouvoir de modifier ce qui est en train de se passer.

C'est un gros morceau. Et, comme tous les gros morceaux, il est satisfaisant après l'avoir avalé parce que vous avez absorbé quelque chose de dense. Pas forcément incontournable ni génial, je ne vous dis pas de vous forcer si vraiment vous n'accrochez pas, seulement... dense. Imaginez un puzzle terminé les pièces vous auront plus ou moins paru jolies. La sensation agréable d'informations qui, soudain, cliquent et se mettent en place. C'est ce que déclenche Homestuck.

Et c'est à présent que nous mettons en place une nouvelle rubrique : "Comment lire ce merdier ?"

Le registre de langue d'Homestuck est... étrange. Volontairement. Pour l'ambiance. Il imite le style d'anciens livres "dont vous êtes le héros" et des adaptations vidéoludiques les plus anciennes qui ont pu en être fait1, le noir qui tache des vieux romans de détectives, ainsi que, parfois, la grandiloquence de textes sacrés.

Du coup, pour qui n'est pas parfaitement bilingue, il est un peu repoussant. Heureusement, Internet créa les fans, et les fans créèrent une traduction française. Elle est de très bonne facture étant donné le boulot monstre à effectuer. Elle n'a qu'un défaut : elle n'a pas rattrapé la publication originale.

Donc mon conseil est de lire la traduction pour commencer (ou alors vous faites vos malins et vous allez lire la version anglaise, vous êtes libres), jusqu'à avoir rattrapé la dernière page traduite. Puis, si ça vous plaît toujours (et sachant où en est la traduction française j'espère que vous ne vous êtes pas tapé toutes ces pages dans la douleur sinon tristesse), vous enchaînez sur la version originale. Actuellement, la dernière page traduite est celle-ci.

Si dans le futur vous cherchez votre page et qu'elle a un nom caractéristique (je le précise parce que la plupart des pages s'appellent ==>), je vous recommande d'utiliser le log, une page qui recense toutes les pages.

J'espère vous avoir donné envie de donner sa chance à Homestuck malgré son caractère volontairement bordélique. Il a su générer une hype et une créativité assez spectaculaire dans l'ensemble de ses fans, et rien que pour cette capacité à créer une foule il mérite d'être considéré.

Les apports du fandom à l'histoire ont tenté de se cristalliser avec le projet Paradox Space, qui n'est plus mis à jour actuellement et contient des histoires à un format un peu plus classique. Une prolongation du plaisir pleine de spoiler et qui ne peut en aucun cas être lue en premier : le lien n'est là que par acquit de conscience. Ne cliquez pas.

Sur ce, je vous laisse. La prochaine fois, je resterai encore probablement dans le mainstream mais peut-être un peu moins dans l'hermétique.

Rappel du lien original.
Rappel du lien de la traduction française.


  1. D'ailleurs, je ne trouve pas que c'est le plus intéressant à dire mais si je ne le précise pas quelqu'un va forcément le faire remarquer : Homestuck fonctionnait à ses débuts par un système de "commandes" : les lecteurs pouvaient envoyer des ordres aux personnages, à charge pour Andrew Hussie de dessiner le résultat et de diriger l'histoire en conséquence. Ça disparait à un moment. Voilà.

Commentaires