Prise par la Momie, chapitre 11

CHAPITRE 11 : Never Trust The Client

Vous vous souvenez de cette petite blague de votre mère.
"Call no-no-no. Ach, 'tut mir leid; ruf nein-nein-nein!"
C'était une façon de vous faire retenir le numéro d'urgence qui ne vous fait plus tellement rire aujourd'hui.

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

Vous avez appelé le 999, demandé une ambulance pour un type atteint d'une intoxication aigüe à l'arsenic, pris le volant de la voiture de Crys, regardé Ânkhefeni disparaître derrière les portes de l'hôpital, et maintenant vous attendez.

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

Il s'en est passé des choses en quelques jours. Vous vous êtes résolue à passer du côté obscur de l'égyptologie en vous livrant au trafic d'antiquités. Vous avez cambriolé le British Museum (deux fois).

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

Vous êtes allée à Barcelone pour la première fois et vous n'avez rien visité. Vous avez surpris votre colocataire coucher avec une momie. Vous avez vous-même couché avec une partie de l'âme de la momie, votre colocataire, puis la momie.

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Des semaines comme ça, faut pas les enchaîner.

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

On vous appelle au guichet de l'accueil. Vous vous y rendez.
"Il a son petit numéro de sécurité sociale, votre copain ?"
"Oui."
Vous donnez le vôtre et précisez :
"Son nom est Crystal Williams."

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La dame de l'accueil lève un sourcil.
"Crystal ? C'est pas féminin ?"
"C'est épicène."
Vous soutenez son regard.
Elle conclut, roulant des yeux :
"Il peut changer tout ce qu'il veut sur ses papiers, pour moi ce sera toujours un il !"
Vous serrez les dents.

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Il faut savoir choisir le temps et le lieu pour ses combats et vous ne tenez pas à ce qu'elle creuse trop le sujet de ce numéro de sécurité sociale, mais vous résolvez de :

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En même temps il faut comprendre tous ces gens du quotidien qui n'y comprennent rien, c'est pas facile.
En fait c'est un peu comme la peinture d'une voiture. Sa couleur est complètement décorrélée de ce qu'elle a sous le capot...

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

... mais beaucoup de gens sont bêtes et s'imaginent que toutes les voitures rouges sont rapides.
Une voiture rouge qui n'est pas rapide préfère se repeindre en bleu ; problème réglé.
Sauf quand des idiots se mettent à crier : "NON ! Cette voiture sera toujours ROUGE !"

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Il vous semble que la meilleure façon de faire comprendre la métaphore à cette dame transphobe, c'est encore de lui montrer ce qui se passe quand on touche à la peinture de sa bagnole.

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Vous cherchez la bonne personne pour le job sur Fiverr quand vous tombez sur un mec avec une décapeuse. Parfait !
Vous pick-pockettez ses clés de voiture à la dame, partez vérifier sur le parking laquelle est sa caisse et envoyez le numéro de la plaque à votre freelance.

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Vous remettez les clés dans la poche de la dame à son insu et retournez vous asseoir près de Crys.
Elle marmonne à mi-voix.

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♫♪ SHOULD I STAY OR SHOULD I GO ♫♪

Vous sursautez et essayez de récupérer votre smartphone pour couper la sonnerie. Vous savez bien que vous devriez la mettre en vibreur par défaut, mais ces derniers jours vous ne vouliez pas rater les appels...

...

du client...

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Vous courez hors de l'hôpital puis décrochez.
"Allô ?"
La voix qui vous répond a l'accent autoritaire et chevrotant que vous avez appris à associer avec ce type louche :
"OÙ EST MA MOMIE ?"

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C'est qu'il vous parle mal, l'animal ! D'un autre côté, vous lui avez posé un lapin à Barcelone et le concept de coucher avec une momie vous a obnubilé au point de vous faire oublier vos négociations en cours.

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Vous tentez de faire redescendre la pression :
"Quelle momie ? On avait parlé d'un sarcophage, non ?"
"Vous savez très bien que je voulais un sarcophage avec une momie !"
"Effectivement. Admettons que j'aie toujours le sarcophage mais plus la momie..."

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Un hurlement perçant vous oblige à éloigner le téléphone de votre oreille.
"Gardez ! Votre ! Sarcophage ! Inutile ! Je veux MA MOMIE !"
Bizarre : ce n'est pas vraiment la plus jolie partie du lot pour un richard qui se fait une collection privée illégale.
"Mais pourquoi faire ?"

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Un petit rire mauvais tinte déformé par le micro.
"Ne faites pas l'innocente : vous êtes égyptologue. Vous savez très bien ce que tout le monde veut faire avec les momies."
Vous cillez.
"Niquer ?"
Le hurlement reprend ; votre histrion d'interlocuteur commence à vous ennuyer.

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"LES MANGER, IDIOTE ! DONNEZ-MOI MA MOMIE ! JE VEUX MANGER LA MOMIE ! JE VEUX FAIRE SLURP SLURP SUR SES PETITS OS POUSSIÉREUX ! JE VEUX GOÛTER CE TRÉSOR GASTRONOMIQUE DE MES NOBLES ANCÊTRES !"

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

Ça vous revient enfin en mémoire : c'était effectivement... un truc qui se faisait.
Et donc c'est un lord que vous avez au bout du fil ? Vous vous doutiez d'un truc quand il vous a donné rendez-vous dans une abbaye à la campagne...

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

(... le billet de train pour vous y rendre étant plus cher que le billet d'avion pour Barcelone, vous lui avez proposé cette alternative.)
Voilà qui explique aussi ses sautes d'humeur : comme disait votre maman, "Kommt davon, wenn man nur auf einer Insel fickt."

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

"Eeeeeeuh n'empêche que j'ai plus la momie", répondez-vous avant de le regretter.
Vous vous êtes connue meilleure rhétoricienne que ça.
En revanche vous commencez à prendre le coup avec ce client parce que vous avez anticipé de reculer votre oreille du téléphone.

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

"Je vais vous faire TUER ! Je vais vous faire EMBAUMER ! Je vais vous faire vieillir QUINZE ANS ! Et je vous couperai comme un JAMBON ! Si vous ne pouvez pas me donner ma momie, vous SEREZ MA MOMIE !"

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

Qui vit illégalement de la momie... meurt illégalement de la momie ? Vous supposez ? Le karma, tout ça ?
Eh, si ça se trouve vos compétences de négociatrice peuvent encore vous sortir de là.
Vous mentionnez :

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"Sinon j'ai récupéré un ma-gni-fique lot de vases canopes..."
La passion dans la voix de votre interlocuteur revient du côté des émotions positives.
"Ooooh ! Ceux avec les organes dedans ? Le livre de cuisine de mes ancêtres dit que c'est délicieux, réchauffé au bain-marie !"

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

Ah oui mais merde, Ânkhefeni les a récupérés pendant le rituel, ses organes.
Les vases sont vides.
Oups.

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Vous souriez pour mentir sur votre état d'esprit au téléphone.
"Eh bien marché conclu ! Je vous vends les vases en l'état pour la moitié de la somme convenue pour le sarcophage, qu'en dites-vous ?"
À l'autre bout du fil, de petits gloussements de plaisir ont remplacé les cris.

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"Parfait, parfait, parfait ! Je vois que vous êtes au London Bridge Hospital, ça ne vous dérange pas si des hommes viennent vous chercher pour sécuriser la marchandise ? Je ne voudrais pas que vous la perdiez encore une fois..."

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Vous sentez une petite goutte de sueur vous taquiner la nuque.
D'où est-ce qu'il sait où vous vous trouvez ?
C'est-à-dire, des hommes ?
Comment allez-vous pouvoir l'embobiner dans ces conditions ?
♫♪ Devriez-vous rester ou partir ? ♫♪

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Vous préférez en général mener votre barque en solo mais, après un plan à trois qui a envoyé le jambon du sandwich à l'hôpital, c'est dur d'oublier ce cliché de positivité bienveillante à la con : vous n'êtes pas seule.

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Cet idiome va à l'encontre de toute votre éducation. Du côté maternel, on vous a toujours dit que quand on a QUELQUE CHOSE à faire, il faut en parler au moins de personnes possibles ; papoter, c'est un coup à faire arrêter tous ses voisins...

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... ou à se noyer dans un mystérieux accident pendant un entraînement de l'équipe olympique, alors que vous n'êtes même pas une des athlètes mais la personne qui nettoie les vestiaires de la piscine.

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Vous vous demandez si les repères culturels de votre maman ne sont pas légèrement colorés par la géopolitique de son époque. Hum.
Vous rejoignez Crys et forcez votre nature.
"Hey."
"Hey."
"Le client m'a appelée, je lui ai promis les vases canopes, qui sont vides, je vais mourir."

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Crys vous dévisage, les yeux écarquillés.

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Vous attrapez les mains de Crys, histoire de laisser sa chaleur vous donner le courage d'affronter votre vulnérabilité émotionnelle, votre propre mortalité, et votre méconnaissance (contrairement à ce que vous auriez voulu croire) des réseaux du trafic d'antiquités.

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"Tu peux m'aider ? J'ai besoin d'aide."
L'air sur le visage de Crys suggère qu'elle ne s'attendait pas à ça de votre part.
Elle détourne le regard.

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"Tu te rends compte..."
Elle se mord la lèvre inférieure, puis reprend :
"Tu te rends compte que tu me mets dans une position où, si je refuses de t'aider, je suis littéralement responsable de ta mort ?"
...
WOW OK.

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Vous lâchez ses mains et vous levez de votre chaise.
"Bon ben merci quand même, si je survis je vais chercher une nouvelle colocation, salut."
"Mais ? J'ai pas dit non !"
Vous la foudroyez du regard.
"Ça sonnait vachement comme un putain de "non", meuf !"
"Mais j'ai pas dit..."

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Un médecin sort de la partie de l'hôpital réservée aux gens qui ont quelque chose à y faire et se dirige vers vous.
"Vous êtes de la famille de... Crystal Williams, c'est ça ?"
Crys opine du chef.
"Eh bien j'ai de bonnes nouvelles..."
Un main se pose sur votre épaule.

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Vous vous retournez.
Ah oui d'accord, des "hommes".
En costard, avec des lunettes de soleil alors qu'il pleut sévère.
C'est super.
Génial.
Bordel.
Vous auriez mieux fait de vous jeter dans la Tamise le jour où vous avez eu l'idée de passer du côté illégal de l'égyptologie.

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

Vous jetez un regard à Crys.
Elle écoute toujours le médecin.
Vous êtes gentiment dirigée vers la porte.
"Alors" demande un type que vous allez arbitrairement appeler 'Gros Bras Numéro Un', "on va où ?"

FIN DU CHAPITRE 11.

— @now@n 🦢 (@DoubleArobase) December 4, 2020

Chapitre 12 ☞