Laissez le vidéaste en paix.




Antoine Daniel n'a pas signé pour devenir une star.

Pourtant il génère chez autrui cette espèce de gêne bien connue de quiconque a déjà admiré quelqu'un d'autre. Ce sentiment étrange de connivence à sens unique qui, sans surveillance, déclenche des comportements de divers degrés de malaise.

On le salue sans lui avoir été présenté.

On le désigne de loin à qui nous accompagne -- "Han ! Te retourne pas, y a Antoine Daniel."

On lui cite des passages de ses vidéos pour bien lui prouver qu'on les a vues.

On se prend pour son ami, on estime mériter un mot, une dédicace, de la considération pour le fait qu'on a regardé et apprécié ce qu'il fait, et s'il en est troublé on repart attristé ou, pire, avec une insulte à la bouche.

On a des exigences sur son rythme de sortie.

On commente le moindre de ses gestes.

On hausse un sourcil à l'annonce qu'un ami d'un ami connaît un ami d'Antoine Daniel, on se rapproche de ce possible contact.

Même quand, par accident, on devient l'un de ses proches, le sort agit encore ; on se méfie des autres, des fans, qui, eux, sont les vrais dangers.

En fait, toutes ces remarques sont valables pour n'importe quel vidéaste présent sur Youtube avec une grosses communauté.



Mais enfin, @now@n, me direz-vous, quel est le problème dans tout ce que tu établis ? 

Un être humain qui accomplit quelque chose qui plaît à beaucoup n'est-il pas d'une qualité plus grande que n'importe quel autre, ce qui justifie nos comportements d'admiration ? 

Puis, d'abord, s'il ne désirait pas être connu, reconnu, sollicité, houspillé, n'aurait-il pas dû ne rien créer et rester dans l'ombre ? 

Et comment juger de manière négative les gens qui auraient ces comportements, quand tu en as été toi-même coupable à bien plus d'une reprise ?

Alors, déjà, merci pour ces questions. Ça fait plaisir d'avoir des lecteurs qui me posent des questions pendant que j'écris mon article ! (Attends, quoi ?)

Le problème c'est que ces comportements, lorsqu'ils deviennent endémiques, modifient la façon dont la personne connue va tisser ses rapports sociaux, ce qui peut avoir des conséquences brutales pour son estime, son moral, et celui de son entourage. Et personne ne veut voir ses rapports sociaux chamboulés d'une façon qui rend les gens plus étranges, plus exigeants et moins honnêtes, alors pourquoi l'imposer à quelqu'un qu'on admire ?

Ensuite, le vidéaste, il ne pouvait pas savoir : des tas de gens font des podcasts sur les profs sans jamais être vus par plus de dix personnes ! Et, arrêtez-moi si je me trompe, mais la création a vaguement pour origine un désir intérieur de faire quelque chose. Si la seule réponse à "mes spectateurs sont relous" c'est "j'arrête de faire des trucs", il y aura moins de trucs dans le monde et autant de spectateurs relous ce qui est le contraire d'une chose souhaitable.

Et, les cocos, je reconnais que je n'ai pas toujours été exemplaire. Moi aussi, j'ai été infecte, j'ai mal tenu compte de l'asymétrie dans mes interactions avec "des gens connus", je me suis sentie autorisée à jouer les patronnes ("oh là là, producteur de contenu gratuit, tu es décidément bien lent"). Ce ne sont pas des lauriers sur lesquels se reposer.


Et ces réflexions me reviennent au moment où une tempête dans un verre d'eau toupille sur nos Twitter :
"Antoine Daniel a annoncé qu'il ferait une saga MP3 !"
1] "Vous vous rendez compte de la visibilité qu'il peut nous apporter ?"
2] "Vous vous rendez compte de ce que ces fans pourraient mettre comme bordel sur notre forum, s'ils le trouvaient ?"
3] "Vous vous rendez compte qu'on s'en fout ?"

Et, tout intéressants que soient chacun de ces arguments (pour ma part, je préconise de ne pas penser à une visibilité virtuelle et de nous remettre à bosser sur nos créations, je considère les administrateurs de Netophonix comme assez intelligents pour nommer des modérateurices si débordements il devait y avoir, et je pense que vous ne vous en foutez pas vraiment mais que vous êtes agacés par les deux premiers arguments, je me trompe ?), la mini-tempête met à nouveau en lumière à quel point nos comportements envers les gens connus (notamment vidéastes) sont bizarres.

Vous vous en étiez sans doute aperçus si vous avez déjà ressenti du gros malaise à une dédicace de JBX ou Nico et Matt, mais j'avais envie de le rappeler.

Mais c'est de la merde ton article, vous exclamerez-vous : ce n'est pas Antoine Daniel la personne dont nous débattons, c'est Antoine Daniel qui crée une saga MP3 et qui a la capacité d'orienter ses spectateurs vers la fiction audio en général !

Et vous n'en parleriez pas de la même façon si vous considériez Antoine Daniel comme un humain et pas comme un gars connu, un média, un moyen de dorer nos propres blasons ou un générateur de visibilité.

@now@n out. Les commentaires sont ouverts pour que vous puissiez critiquer tous les trous de cet article écrit ma foi fort rapidement.

Commentaires

  1. On peut considérer Antoine Daniel à la fois comme un être humain avec ses craintes et ses envies, comme un individu qui crée des trucs très intéressants sur internet et dont on a envie de voir le prochain projet, ET en reconnaissant son influence.

    Les réactions qu'on voit sur twitter suite à sa dernière vidéo répondent à ces trois facettes de l'individu :
    - Les gens sont rassurés qu'il aille mieux et qu'il soit remotivé par son travail.
    - Les gens ont hâte de voir son film et d'écouter sa fiction audio.
    - Les gens s'interrogent sur les conséquences de son influence sur le média de la fiction audio.

    On peut faire le tour des deux premières réactions assez rapidement, parce que dire "j'ai hâte de voir ça" et "bon retour" ça tient en moins de 140 caractères : pas la peine de s'étendre sur à quel point on a hâte de voir ce qu'il va faire, et pour l'humain, sa vie privée ne nous regarde pas vraiment.

    C'est la troisième question qui nous a passionnée depuis hier soir, parce qu'il y a beaucoup d'hypothèses qui peuvent être faites. Mais ce n'est pas pour autant qu'on néglige les autres aspects de cet individu :) On a juste moins de choses à dire dessus je pense.

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