L'expérience la solitude (2/3) : le contenant

Rebonjour !

Ça fait presque un an que j'ai fabriqué et sorti le tirage de la solitude alors, au moment de me lancer sur la création d'un prochain livret, je me suis dit que j'allais faire un point sur comment ça s'était passé la dernière fois. Ce sera en trois parties, divisées comme ce suit :

  1. Le contenu
  2. Le contenant
  3. La mercatique

Et aujourd'hui, c'est le contenant. Qu'est-ce qui contient l'histoire ?

  • Du matériel
  • Des matériaux
  • La couverture

Du matériel

Bon, le matériel utilisé n'est pas le contenant, il a servi à fabriquer le contenant, restez avec moi.

J'avais acheté le recueil de poésie composé et relié à la main de Charlotte Nelken et si je l'aime toujours il y a un détail stupide qui m'a agacée : mécaniquement, physiquement, le recueil n'étant composé que d'un seul livret et chaque feuille ayant sa propre épaisseur, les pages du milieu débordent et la tranche de gouttière n'est pas droite. Au moment de réfléchir à faire des livrets de mes nouvelles, j'ai voulu régler ce souci en achetant un massicot.

Ou plutôt, pour être plus précise, une cisaille : une Dahle 502, la moins chère que j'aie réussi à trouver chez mon fournisseur local de matériel. Elle ne peut couper proprement que dix feuilles à la fois, le fabriquant ne garantissant rien au-delà ? Tant pis : de toute façon j'avais déjà une autre contrainte par ailleurs.

Quelques mois plus tôt, chez un autre fournisseur local de matériel, j'ai attrapé une agrafeuse rotative sur un coup de tête, une JPC 100701. Je crois que c'était en réaction à ma relecture de l'article de Lizzie Crowdagger, qui mentionnait que trouver une agrafeuse capable d'agrafer correctement un format livret n'était pas de la tarte. J'avais déjà essayé de relier un texte en "dos collé" à l'arrache et un autre avec une reliure au fil de couture, ça m'avait gavé que ça marche aussi peu, du coup je me suis dit ça suffit les expérimentations on va faire de la reliure à l'agrafeuse et ça va bien se passer.

agrafeuse rotative
Depuis apparemment ça a changé de nom c'est Wonday ?
En tout cas c'est le même design.

Donc, la contrainte technique c'est que cette agrafeuse rotative dit ne pouvoir agrafer que "douze feuilles" à la fois - probablement des feuilles de papier de 80g/m². On est quasiment à la même limite que pour la cisaille, l'un dans l'autre ça se goupille bien.

Petits détails matériels supplémentaires : pour plier mes pages imprimées, j'ai utilisé des règles graduées que j'avais déjà chez moi, et pour maintenir les pages imprimées ensemble quand j'avais besoin de manipuler un tas de feuilles bien alignées les unes avec les autres j'ai fait l'investissement de pinces à dessin.

L'imprimante utilisée, c'est celle de la maison (ou plutôt celle que j'ai offerte à mon compagnon en 2017), une HP premier prix. Elle ne s'est pas trop mal débrouillée et au moins j'ai pu mettre le papier que je voulais sans avoir besoin de négocier avec la tenancière de la boutique de reprographie.

Des matériaux

Qui dit livret dit papier. Pour ce livret-ci, il y en a deux : celui de la couverture et celui des pages intérieures.

Pour la couverture, je voulais quelque chose d'un peu épais ; j'ai pris du Clairefontaine 160g/m² dans la couleur qui me plaisait le plus - voir partie suivante. Sauf que comme cette couverture avait à elle seule l'épaisseur de deux feuilles, j'étais un peu au-delà de la limite de dix à douze feuilles que me permettait mon matériel mentionné ci-dessus.

J'ai réalisé que le grammage et l'épaisseur d'une feuille A4 sont liés et que je pouvais peut-être jouer là-dessus pour grappiller des microns d'épaisseur de livret. J'ai cherché sur Internet quelle était la limite basse de grammage pour une page imprimée et Internet m'a rappelé l'existence du papier bible, dont le grammage n'est que de 28g/m². J'ai acheté en fin de compte du Clairefontaine 60g/m² en me disant que ça passerait dans mon imprimante premier prix de chez HP.

Si le grammage est directement proportionnel à l'épaisseur, 10 feuilles de papier 80g/m² (limite du massicot) équivalent à un peu plus de 13 feuilles de papier 60g/m² et 12 feuilles de papier 80g/m² (limite de l'agrafeuse) équivalent à 16 feuilles de papier 60g/m². Ce sont ces valeurs que j'ai gardées en tête pour la suite.

À un moment, je me suis rendu compte que le livret serait encore plus mignon en format A6 (feuille A5 repliée) qu'en format A5 (feuille A4 repliée). Heureusement, j'avais mon massicot pour couper mes feuilles A4 en feuilles A5 (et pour recouper tous les bords bien comme il faut après avoir agrafé). Ouf.

Qui dit livret dit également encre : sachant que j'avais (plus de, exemplaires-test obligent) cinquante livrets à imprimer, je me suis permis d'acheter une cartouche format XL compatible avec mon imprimante. Il ne faut pas faire ça quand on n'imprime pas beaucoup à cause du risque de gâchis, mais bon, là, hein. Et j'en ai bouffé, des cartouches ! Je vous en dis plus dans le prochain article.

La couverture

Mine de rien, les couvertures, hein, vous savez ce qu'on dit, faut pas juger, mais en vrai, ça fait partie du processus de discrimination des livres.

J'avais 50 feuilles A4 de papier 160g/m² couleur "chamois" (un genre de beige que je croyais plus foncé avant de le voir en vrai), donc 100 feuilles A5 une fois le découpage au massicot effectué. Je n'ai pas pensé à l'idée pourtant simple de profiter de la situation pour découper dans la page A4 une couverture qui aurait une hauteur de A5 mais une largeur plus grande, permettant d'y plier des rabats de couverture ; comme j'ai dû puiser dans le stock de feuilles restantes pour retaper des exemplaires en refaisant les couvertures et la reliure après une attaque de mon chat, ce n'est pas plus mal.

Sur ce papier déjà coloré, je voulais imprimer en noir. J'ai hésité à faire des tests de ce que donnaient les couleurs sur ce fond chamois, imprimer un petit éventail de couleurs et jouer avec, et puis finalement je n'ai pas osé et de toute façon mes illustrations intérieures étant en noir sur blanc ce n'était pas trop hors sujet de rester en noir-sur-chamois. Mon imprimante avait un réglage pour obtenir de beaux aplats d'encre et j'en ai profité.

Parlons de ce qui est imprimé sur la couverture.

La typo du titre est faite au dessin vectoriel. Ce n'est pas une police très imaginative, comme j'en parlais dans l'article précédent j'essaie de faire le peu de choses que j'arrive à faire d'une façon qui tienne la route. Je l'ai bricolée jusqu'à être contente. L'oblique des barres des L et du T est arrivée sur le tard.

Le petit dessin mis en avant, central dans un réseau symétrique, est censé être un petit comprimé. Pas sûre si sa stylisation transmet le message mais eh. Le réseau symétrique lui-même n'était pas prévu au départ : je voulais l'utiliser comme guide pour placer de simples points noirs avant de me dire qu'il avait un côté hypnotisant sympa tel quel et que j'allais le garder. En fait, au départ, cette couverture n'était censée être qu'une mise à jour de celle-ci :


On voit bien la métaphore évidente de "oh non je suis seul au milieu de la multitude", que ne transmet pas ce réseau à sept branches. Tant pis, la nouvelle couverture raconte autre chose.

Mon pseudonyme en bas de page est écrit en police Mistral. C'était censé être temporaire et puis c'est parti à l'impression.

Parlons de ce qu'il y a sur la quatrième de couverture.

À l'image de Publications Véritables, j'ai utilisé l'arrière du livret pour y caler un texte censé introduire le sujet de la nouvelle au public.

Comme le livret n'est pas en vente dans des points de vente physiques, on n'imagine pas qu'il sera pris entre les mains de quelqu'un, considéré, retourné à la recherche de raisons de l'acheter. En revanche, s'il arrive un jour sur une étagère, que personne n'y touche pendant cinq ans, et qu'on se demande soudain ce qu'il est et ce qu'il fait là, ce texte peut servir.

Cela dit je n'en suis pas très contente. Le retour chariot entre "une vie normale" et "et à l'abri du jugement" est moche. Le retour chariot entre "En revanche," et "il est très malheureux" est infâme. L'isolement sur sa ligne de ce "mieux ?" fait pitié.

La vérité c'est que c'est si laid parce que je cherchais à remplir absolument cette quatrième de couverture qui, vide, me faisait peur. Si j'avais même gardé le texte tel quel (il n'est pas ouf), j'aurais plutôt dû tenter quelque chose comme :

"Clovis mène une vie normale et à l'abri du jugement.
En revanche, il est très malheureux.
La solitude lui irait-elle mieux ?"

Si je ne l'ai pas fait c'est que j'ai bêtement refusé de réduire la taille de ma police alors que c'était la seule chose à faire. Sur l'espace restant, s'il était si gênant que ça, j'aurais pu mettre un petit mot à propos de la publication elle-même, un truc du genre : "Ce fanzine autopublié vous remercie de son acquisition et espère que vous trouverez plaisir à sa lecture. Vous pouvez découvrir davantage des écrits de son autrice-imprimeuse sur le blog http://anowan.blogspot.com/"

Même si une adresse de blog ça périme, bon, peu importe à ce stade, je suis ici depuis onze ans et je n'ai toujours pas le projet d'acheter le nom de domaine "anowan.fr".

Le logo en bas, c'est encore ma peur du vide. Il a pour projet de combiner la forme d'une page avec une arobase, pour bien dire qu'@now@n (avec deux arobases) sort un livret pour la première fois. Il ne me plaît plus et je ne pense pas le garder pour d'autres usages.

Autre catastrophe de cette couverture : j'ai oublié que la reliure avait une épaisseur et elle n'était pas prévue dans le design.

J'ai l'air négative sur cette dernière partie d'article mais la vérité c'est que ces problèmes de couverture ne m'ont pas empêchée de m'amuser lors de la production des livrets et n'ont pas empêché quelques personnes d'apprécier la première page - celle qui se voit le plus, au fond.

Dans un prochain article je vous parlerai de mercatique - de tout ce qui concerne l'argent et la vente des livrets. À très vite !

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